Monday, October 3, 2011

Twaddle-free Tuesdays: Gibran on Freedom ( Sur la Liberté)



In English:

And an orator said, "Speak to us of Freedom."
And he answered:
At the city gate and by your fireside I have seen you prostrate yourself and worship your own freedom,
Even as slaves humble themselves before a tyrant and praise him though he slays them.
Ay, in the grove of the temple and in the shadow of the citadel I have seen the freest among you wear their freedom as a yoke and a handcuff.
And my heart bled within me; for you can only be free when even the desire of seeking freedom becomes a harness to you, and when you cease to speak of freedom as a goal and a fulfillment.
You shall be free indeed when your days are not without a care nor your nights without a want and a grief,
But rather when these things girdle your life and yet you rise above them naked and unbound.
And how shall you rise beyond your days and nights unless you break the chains which you at the dawn of your understanding have fastened around your noon hour?
In truth that which you call freedom is the strongest of these chains, though its links glitter in the sun and dazzle the eyes.
And what is it but fragments of your own self you would discard that you may become free?
If it is an unjust law you would abolish, that law was written with your own hand upon your own forehead.
You cannot erase it by burning your law books nor by washing the foreheads of your judges, though you pour the sea upon them.
And if it is a despot you would dethrone, see first that his throne erected within you is destroyed.
For how can a tyrant rule the free and the proud, but for a tyranny in their own freedom and a shame in their won pride?
And if it is a care you would cast off, that care has been chosen by you rather than imposed upon you.
And if it is a fear you would dispel, the seat of that fear is in your heart and not in the hand of the feared.
Verily all things move within your being in constant half embrace, the desired and the dreaded, the repugnant and the cherished, the pursued and that which you would escape.
These things move within you as lights and shadows in pairs that cling.
And when the shadow fades and is no more, the light that lingers becomes a shadow to another light.
And thus your freedom when it loses its fetters becomes itself the fetter of a greater freedom.

En français:

Je vous ai vus vous prosterner aux portes de la cité et dans vos foyers, et vous vouer au culte de votre propre liberté,
Comme les esclaves qui s’humilient devant un tyran et le louent, alors qu’il les anéantit.
Oui, dans le bosquet du temple et dans l’ombre de la citadelle, j’ai vu les plus libres d’entre vous porter leur liberté comme un joug ou des menottes.
Et mon cœur saigna en moi ; car vous ne pouvez être libre lorsque vous forgez une chaîne du désir même de la liberté, et quand vous ne cessez de parler de la liberté comme d’un but et un accomplissement.
Vous serez libre en vérité non pas quand vous jours seront sans tourments et vos nuits sans un désir ou un chagrin,
Mais davantage quand ces choses étrangleront votre vie, et que pourtant vous vous élèverez au-dessus d’elles, nu et sans entraves.
Et comment vous élèverez-vous au-delà de vos jours et de vos nuits, à moins que vous ne rompiez les chaînes que vous-même, à l’aurore de votre entendement, avez fixées autour de votre âge mûr ?
En vérité ce que vous appelez liberté est la plus solide de ces chaînes, bien que ses anneaux scintillent au soleil et éblouissent vos yeux.
Et à quoi voulez-vous renoncer dans votre quête de la liberté, si ce n’est à des parcelles de vous-même ?
S’il existe une loi injuste que vous voudriez abolir, cette loi fut écrite de votre propre main sur votre propre front.
Vous ne pouvez l’effacer en brûlant vos tables de la loi, ni en lavant le front de vos juges, même si vous déversiez sur eux la mer toute entière.
Et s’il existe un despote que vous voudriez détrôner, voyez d’abord si l’image de son trône érigée en vous est détruite.
Car comment le tyrant peut-il régner sur les affranchis et les fiers, s’il n’existe une tyrannie dans leur propre liberté et une honte dans leur propre fierté ?
Et s’il existe un tourment que vous voudriez dissiper, le siège de cette crainte est dans votre cœur et non dans la main du tourment.
Vraiment, toutes les choses se meuvent dans votre être en une continuelle étreinte fatale ; ce que vous désirez et ce que vous redoutez, ce qui vous attire et ce qui vous répugne, ce que vous poursuivez et ce que vous voulez fuir.
Ces choses se meuvent en vous comme la lumière et l’ombre, en couples enlacés.
Et quand l’ombre se dissipe et disparaît, la lumière qui persiste devient l’ombre d’une autre lumière.
Et telle est votre liberté qui, quand elle perd ses entraves, devient l’entrave d’une plus grande liberté.

----Khalil Gibran, the Prophet (Le Prophète)

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